Huayna Potosí

Atteindre les 6088m

Mardi 7 Mai

De retour à La Paz, on a une seule mission : se préparer pour le Huayna Potosí

On va réserver l'excursion avec notre auberge, lancer une machine de linge, on achète chaussettes, bonnets, snacks, eau, feuilles de coca, médicaments, et tout ce qui est recommandé pour l'expédition... 

Avec le temps qui nous reste on profite de la journée calme pour manger un petit goûter au café del mundo, appeler quelques amis, faire du montage...


En fin de soirée, on va récupérer notre linge de justesse, la laverie est déjà fermée mais on parvient à trouver quelqu'un pour nous ouvrir, et heureusement car on a pas envie de faire les 3 jours d'ascension dans le même slip

En guise de souper de préparation, Lu commande une salade de falafel pour manger bien sain et moi un burger de llama pour grimper avec l'esprit de la bête ! (et accessoirement goûter pour la première fois !) 


Huayna Potosí 

Mercredi 8 Mai

Top départ du grand jour ! On prend un petit déjeuner basique à l'hôtel, on dépose tout ce qui ne nous servira pas dans la zone de stockage (c'est juste en bas de l'escalier, sans la moindre porte), et on part essayer l'équipement qui nous sera prêté ! Veste, polaire, pantalon, cagoule, casque, chaussures, crampons, piolet, gants... On a tout ce qu'il faut pour affronter le grand froid et la glace !


Les 2 français qui sont avec nous, changent 3 fois de gants, 4 fois de chaussures, etc. Moi j'accepte tout ce qu'on me donne hormis les deux gants gauche qui me semblent tout de même peu pratiques. Je me demande si je devrais faire plus attention au matériel ou si j'ai simplement de la chance ! 

Le matériel assigné et les sacs prêts, on embarque dans un mini bus pour 2h30 de routes sur lesquelles on ramasse un guide, une cuisinière, et de la nourriture. La route se transforme en pistes puis en chemins très cabossés jusqu'à arriver au refuge de base, le Refugio Nuevo Llaulini à 4800m d'altitude. En terme d'altitude, on est déjà plus ou moins au dessus du mont blanc...


Après avoir posé nos sacs et mangé un petit snack, on s'équipe de tout notre matériel reçu, le même qui nous accompagnera le jour J, et on entame une marche lente d'une heure vers le vieux glacier.

C'est l'après-midi, il y a peu de vent et il ne fait pas trop froid. Autour de nous, les paysages sont rocheux, gris et vert. On avance doucement vers le glacier en faisant plus ample connaissance avec notre groupe : Raph et Simon, potes de fac de médecine de Rennes, Nelson, Costaricain, et Luis et Rona, nos guides pour les trois jours !

Devant le glacier, on est tous subjugué de sa taille et sa beauté, un gros tas de glace lisse coincé entre deux montagnes, autour de nous, gravite un cocon de nuages doux qui décroche de temps en temps un léger brouillard qui nous traverse rapidement. Luis et Rona nous expliquent et montrent comment utiliser l'équipement en toute sécurité puis nous accompagnent pour une petite marche sur le glacier jusqu'à un mur de glace bien vertical de 10m où l'on s'entraîne un à un à escalader ce mur qui donne du fil à retordre à plus d'un ! Moi, évidemment, fan de matos technique, aficionado d'escalade, je prend un plaisir fou à planter mes piolets et crampons dans la glace et grimper rapidement jusqu'au dessus ! Je suis aux anges ! Dommage que l'expérience se limite à ça et pas à une escalade un peu plus conséquente ! 

Quand tout le monde a expérimenté le mur, on descend le glacier en suivant les technique apprises, on déchausse les crampons, et on fait 30min de marche dans l'autre sens pour rentrer au refuge où nous attend un petit goûter.


Moment idéal pour socialiser et rencontrer les autres, on discute avec d'autres groupes dont notamment James et Zac, deux américains du Maine et Massachusetts qui sont venu ici en complète autonomie avec leur matériel pour arriver au sommet par leur propre moyen. Ils dorment même en tente et viennent squatter l'intérieur du refuge et piquer quelques boissons chaudes.

On déguste ensemble thé, café, popcorn et crackers en jouant au jeu de dés qu'on a appris en Australie : Tokyo. Un peu après le goûter, viens le souper, une soupe et des pâtes aux oignons, champignons et sauce aigre douce, puis un petit briefing de nos guides qui nous expliquent le déroulement de la journée de demain. 

Enfin, on va profiter des derniers rayons de soleil dehors mais on rentre vite car il fait froid ! On ne tarde pas à aller se coucher, tout le monde ressent bien qu'il nous faudra de l'énergie pour accomplir nos missions des prochains jours.


Globalement, l'ambiance de refuge est très chouette. On est une vingtaine dans des petits espaces, en hyper proximité, sans réseaux, avec des batteries de portables limitées, on vit ensemble, déconnectés du monde extérieur, dans une petite bulle isolée...


To Highcamp 

Jeudi 9 Mai

Après une nuit presque douce passée à 4800m d'altitude, on sort de nos sacs de couchages bien chaud pour aller manger un petit déjeuner de champion digne d'un hôtel avec des fruits, du yaourt, des kellogs aux ogm, du thé et du café !


Chose faite on va faire nos sacs et y fourrer tout le matériel qui nous sera nécessaire demain pour l'ascension ! En résulte des sacs d'une bonne vingtaine de kilos ! 

On mange assez tôt, vers 11h, le repas de midi composé de riz, œufs, avocats, et petits légumes puis on se met rapidement les gros sacs sur le dos pour monter au refuge d'altitude ! On démarre, accompagnés de nos deux guides et de la cuisinière, sur le chemin, on croise des gens qui descendent et nous décrivent la peine, les maux de ventre, le vomi, mais aussi les larmes dans les yeux une fois en haut,... Tout ça nous laisse avec un drôle de sentiment entre hâte et appréhension. On espère tous ne pas trop être sujets au mal aigu des montagnes ! 

Tout le monde en file indienne, gros sacs sur le dos, on avance lentement sur les sentiers de terre. Seule la cuisinière semble n'avoir aucune peine, elle est en chaussures New Balance, petite jupette, et porte un petit baluchon qui doit contenir quelques provisions mais rien de bien lourd.

Jusqu'ici ça ne montait pas trop mais voilà qu'on entre dans le dur ! Les escaliers de pierres remplacent le sentier et la pente est bien plus forte ! 300m de dénivelé sur 1 kilomètre ! Je synchronise tout mon corps et me concentre sur mon souffle. Inspirer pied gauche, expirer pied droit. Le soufflet marche au même rythme que la mécanique...

Ensemble, on avance lentement mais de façon régulière sur le flanc de la montagne. On serpente comme un mille pattes qui n'en aurait que 16, avec notre objectif en vue, ce grand triangle blanc qui déchire le ciel bleu. Bientôt, on est au dessus du glacier qui nous a servit de terrain d'entraînement hier, c'est majestueux ! Après ça vient une petite partie aérienne, on est sur la crête, de la neige se mêle à la roche et il faut être bien vigilant pour ne pas glisser. Surtout qu'on est facilement déséquilibrés par nos gros sacs.

La neige nous fait glisser mais elle annonce aussi l'arrivée au refuge ! Il est 13h30 et il nous a fallu juste 2 heures pour monter. On est maintenant à 5300m d'altitude, le plus haut qu'on ait atteint jusqu'à présent ! 


On dépose nos sacs, fait nos lits, on se pose devant un petit thé de coca et on espère que les symptômes du mal d'altitude n'apparaissent pas dans les heures qui suivent... On fait tout ce qu'on peut pour maximiser nos chances ! On boit beaucoup d'eau, plusieurs thé de coca et camomille contre le mal d'altitude et pour un bon sommeil, on prend même un demi diamox chacun, comme ils disent, mieux vaut prévenir ! On partage ensemble nos histoires, on-dit, doutes et craintes quand à la marche de demain. Globalement l'ambiance est plutôt bonne dans ce petit refuge ! 

Le souper arrive tôt, vers 17h, une soupe de légumes et patates puis un plat de pâtes aux oignons aigre doux puis on file tous au lit à 18h pour espérer être en forme à minuit pour le grand réveil ! 

Avec tout ce qu'on a bu, je dois me forcer à sortir à 20h pour aller au toilettes. J'ai pas envie d'en faire tout en plat et me rhabiller alors je sors en slip et chaussures sous une nuit totalement silencieuse et douce. Il n'y a ni nuage, ni vent, les étoiles sont belles,... C'est paisible et rassurant pour cette nuit ! 

La nuit est chaude et on dort quelques heures, deux ou trois chacun, du mieux que l'on puisse dans ce grand dortoir. Dans la rangée de lit derrière nous, ronfle un vieux tracteur qui nous laisse peu de répi ! 


Au sommet 

Vendredi 10 Mai 

Minuit, réveil pour l'ascension finale ! Tout le matériel est déjà prêt sous nos lits superposés, on a plus qu'à enfiler nos vêtements et aller déjeuner. Dans l'obscurité de la nuit et éclaires uniquement par nos frontales, on boit quelques thé, mange deux ou trois biscuits ou petits pain à la confiture. 

Tout le monde est plutôt excité mais surtout concentré. On sort du refuge tout équipés, des couches de plus et de l'eau dans nos petits sacs, prêts à chausser nos crampons pour attaquer l'ascension ! On dirait un début de mission comando. En tout ça on se sent comme tel ! 

A 1h45, on démarre ! Crampons chaussés, piolet à la main et encordés par 3 avec le guide, on fait les premiers pas sur la neige. A ce moment là on ne sais pas encore comment ça va se passer, quelle sera l'intensité de l'effort, ou si nos têtes et estomacs vont résister à l'expérience mais on est bien parti pour tout tenter ! 

La première section nous voit avancer doucement en zigzag pour gravir la première côte qui démarre devant le refuge. Planter le piolet en amont, pied gauche, pied droit, et recommencer. Il faut faire des petits pas pour ne pas se fatiguer inutilement et garder un rythme lent. 280m de dénivelé sur 500m, c'est déjà bien pentu et assez difficile car on est au début de l'exercice et donc toujours dans notre premier souffle. Ça demande un gros effort de se mettre dans le rythme. Luís notre guide nous promet de faire des pauses toutes les 40 ou 60 minutes pour se reposer un peu. Et tant mieux car on en risque bien d'en avoir besoin, mais surtout ça rythme la montée et nous permet de savoir où on en est car en pleine nuit, on a aucune idée d'où on va

On arrive ensuite dans la 2ème section. De longues traversées qui grimpent constamment nous font franchir des ponts de glace, crevasses puis quelques mur très raides. Ceux-ci, on doit les traverser à nouveau en zigzag sur un petit sentier creusé dans la neige et pas plus large que nos deux pieds joints. Il faut être hyper vigilant, difficile de trouver de vrais chiffres mais j'estime la pente à bien 60 degrés et une chute dans ces conditions et bien peu désirable ! Durant cette section, on parcourt 1200m avec un dénivelé positif de 320m. 

Ça fait maintenant plus de 3h qu'on marche. Eclairés uniquement par notre frontale, les yeux rivés sur les pas de la personne devant nous. Pour Lu c'est Luís, pour moi c'est elle. Régulièrement je la vois ralentir et gémir. Elle qui a démarré avec un certain inconfort intestinal, c'est particulièrement difficile. Après avoir mâché des feuilles de coca, la douleur se calme mais c'est maintenant le souffle qui pêche... 

On a pas le choix, il faut marcher sans réfléchir à autre chose que le souffle. C'est la seule chose à faire pour arriver en haut. Accepter de mette un pied devant l'autre jusqu'à ce que ce soir fini... Moi, étrangement, je me sent en super forme et avec un moral d'acier, j'essaye d'être fort pour nous deux et j'encourage régulièrement Lu. Pourtant, je suis souvent à court de souffle aussi. Alors je tiens le bout de corde qui nous lie dans la main libre et je m'assure d'avoir un peu de leste, je laisse Lu faire deux pas, je récupère mon souffle, et quand la corde glisse dans ma main, je redémarre. 

Pour notre guide c'est une autre histoire, son téléphone lui joue de la musique Bolivienne dans la poche de sa veste, et quand on s'arrête pour faire une pause, il chatte sur whatsapp... Pour lui tout va bien, en même temps il réalise cet exercice en moyenne trois fois par semaine... 

Arrivés au bout de la deuxième section, on a fait le plus dur et il nous reste seulement un peu plus d'une heure selon Luís. Lu est absolument à bout, elle veut abandonner. Devant nous une énorme forme noire à peine distinguable de la couleur du ciel. Les lampes de ceux qui nous précédent nous indiquent la voie et nous découragent un peu... Il reste tellement à monter et pourtant plus qu'une seule heure... 

Luís répète un énième "vamos Lulu" ! Sans vraiment lui laisser le choix ou le temps de réfléchir et on repart pour la 3ème section, la plus coriace, 1km, 320m de dénivelé sur un mur hyper raide qu'on traverse en zigzag eux aussi particulièrement raides ! C'est la partie la plus difficile et on a déjà bien puisé dans nos ressources ! La seule chose qui me fait tenir et continuer d'avancer, c'est de savoir que dans moins d'une heure, si on continue, on sera en haut ! On a réussi à venir jusqu'ici, il n'y a pas de raison qu'on ne puisse pas y arriver. Pourtant chaque pas est pénible, j'alterne les placements de pieds pour ne pas fatiguer tout le temps les même muscles. Petit à petit, le soleil éclaire les nuages dans notre dos et la lumière dévoile plus ou moins le relief et le sommet ! Plus que quelques virages et on y est

Dans la dernière ligne droite, c'est l'extase ! On sent que nos jambes n'en peuvent plus mais on voit le sommet à quelques centaines de mètres ! C'est comme si on y était déjà ! Le souffle en devient presque léger et nos yeux et se remplissent d'émotions ! Il est 6h10 et ça fait 4h30 qu'on marche dans la neige avec ces grosses bottes et ces gros crampons qui nous alourdissent le pas, qu'on lutte pour respirer et continuer d'avancer mais ça y est ! C'est fini ! On a réussi ! Lu se laisse tomber au sol et pleure de joie. A y regarder de plus près, c'est peut-être pas que de la joie. Je me couche sur elle et la prend dans mes bras ! On a réussi ! Autour de nous, depuis ces 6088m, on voit le soleil se lever et toute la montagne se dévoiler. On a une vue à 360 degrés sur les autres sommets tous plus bas, le lac titicaca, la cordillera real, le mont Illimani, La Paz au loin qui scintille de ses milliers de lumières, et à nos pieds, cette montagne et tous ses efforts qui ne sont plus qu'un souvenir

On prend le temps de profiter de la vue et de faire quelques photos. On félicite aussi Raph, Simon et Nelson, les autres membres de notre groupe, qui arrivent peu après nous ! Après 20 minutes passées là haut, le froid nous force à redescendre. Il doit faire environs -15 degrés, alors on est assez heureux de se remettre en route ! 

Le ciel est jaune, la montagne blanche et entièrement éclairée, ce qui nous permet de voir tout le chemin et réaliser la distance parcourue ! Heureusement la descente est bien plus simple. Il faut continuer d'être prudent, bien se pencher en arrière, et faire des petits pas. Ca tire dans les quadriceps mais c'est toujours mieux que monter, et en guise de réconfort, on fait face à un splendide lever de soleil. 

Au total, la descende ne devrait durer qu'entre une et deux heures. Après un peu plus de la moitié, ça devient un vrai calvaire. Les pieds tapent dans le fond des bottes, les jambes fatiguent, le soleil, de plus en plus haut dans le ciel nous fait perler à grosses gouttes, et l'accumulation de fatigue fait qu'on en a bien raz le bol et qu'on ne rêve plus que de retirer tout notre attirail et s'assoir quelques minutes.

Quand on arrive au refuge, on est absolument exténués ! Au bout du rolls comme le dit Lu. On déchausse et retire tout ce qu'on peut et on va se poser à table, content d'être assis devant un bon bol de soupe et on discute ensemble de notre ressenti de l'ascension. On a l'impression qu'il est 14h passé alors qu'en réalité il n'est que 9h. On avale notre soupe sans traîner avant d'aller encore une fois faire les sacs et descendre avec tout sur le dos jusqu'au refuge de base, 2.5km et 500m de dénivelé plus bas... Comme à l'aller, on traverse la section aérienne, avec un peu de neige, l'escalier en rochers bien arrangés, puis le sentier de terre. Le tout avec les gros sacs de 20kg qui pèsent sur les épaules, et la fatigue de ce matin qui pèse sur le moral

On trace, on fait peu de pauses, histoire d'arriver rapidement en bas et d'en avoir fini avec cette expédition.

Ca y est, on en a terminé, on rend le matériel aux guides et on profite du soleil en mangeant notre sandwich. Aujourd'hui c'est à notre tour de partager notre expérience avec les petits jeunes inexpérimentés qui vont grimper demain pour tenter leur chance eux aussi.


Ultime étape, 2h30 de bus sur les pistes, en voyant s'éloigner les montagnes, pour arriver à La Paz où l'on opte pour une sieste immédiate tellement on est abattus par cette folle journée ! 


Repos à La Paz 

Samedi 11 Mai - Lundi 13 Mai

Les jours qui suivent, on les consacre au repos et à la glandouille ! Parce que après toutes ces aventures Boliviennes, on a besoin de vacances ! 

On appelle nos familles, se repose, fait du montage, du linge, on prépare notre voyage au Mexique, on trouve enfin les drapeaux qu'on veux coudre sur nos sacs depuis si longtemps, et on re-croise quelques têtes comme Zac et James, les américains du Huayna, ou Noemi et Ben avec qui on partage un bon petit lunch ! 

En soirée on va voir un concert avec les 2 potes d'ascension Raph et Simon, mais il s'avère que le dit concert était la veille donc c'est raté ! On trouve une bonne solution de remplacement en allant boire des cocktails dans le bar des sorcières ! 

Tout ça c'est une bonne façon de clôturer notre séjour à La Paz avant d'aller à l'aéroport de El Alto pour prendre notre avion vers le Mexique !

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Titicaca
Ilsa del sol